Marchés financiers : pourquoi jouent-ils aux montagnes russes ?

Marchés financiers : pourquoi jouent-ils aux montagnes russes ?

Les marchés financiers ont dévissé depuis le début de l’année. Jugez plutôt, au 17 février 2016, le CAC40 avait perdu plus de 15 % de sa valeur depuis le 1er janvier. Pourquoi un tel retournement ? Deux spécialistes de CPR AM, Thomas Page Lecuyer, stratégiste et Cyrille Collet, directeur de la gestion actions nous livrent en exclusivité leur point de vue sur cet environnement très chahuté. Décryptage !

Quels sont les éléments qui alimentent la baisse des marchés (-20 % pour le CAC40 en 3 mois à mi-février) ?

Les raisons macroéconomiques ne semblent guère suffisantes pour expliquer cette baisse : les indicateurs conjoncturels sont plutôt satisfaisants aux États-Unis comme en Europe. Certes, la Chine ralentit mais, pour autant qu’on puisse le savoir, elle ne s’effondre pas. Toutefois, ce ralentissement contribue à faire baisser le prix des matières premières, notamment celui du pétrole – même si la stratégie géopolitique de l’Arabie saoudite joue sans doute un rôle prépondérant. Les valeurs liées aux importations chinoises baissent, les valeurs pétrolières aussi, celles liées aux importations des pays pétroliers également, et surtout les banques réputées très impliquées dans le secteur pétrolier. Au gré des programmes de trading automatique ou des « stop-loss », le mouvement s’amplifie et la peur s’installe d’autant plus que les rumeurs de ventes massives de la part des fonds souverains de pays pétroliers circulent. Et pendant ce temps, la Réserve fédérale d’Atlanta révise à la hausse son estimation en temps réel du PIB du 1er trimestre… Il est vrai qu’à ces craintes se sont ajoutées celles d’un resserrement trop hâtif de la politique monétaire américaine.



Est-ce un phénomène de panique ou un simple réveil des marchés ?

Que certaines valorisations aient pu être excessives, sans doute, surtout dans un contexte de surabondance de liquidités et de taux extraordinairement bas. Cependant, en tout cas à l’échelle macroéconomique, ce n’est certainement plus le cas. Donc, sans parler de panique, il y a, selon toute vraisemblance, un emballement, ou un cercle vicieux, comme on l’évoquait précédemment. On entend désormais parler de la quasi-certitude d’une récession aux États-Unis. Rappelons la formule plaisante (mais statistiquement fondée) de Paul Samuelson, prix Nobel d’économie : « la bourse a prédit neuf des cinq dernières récessions ». On ne voit aucun signe de récession dans l’économie américaine, les ménages sont bien moins endettés qu’en 2005, leur revenu disponible réel s’accroît sensiblement, le marché du travail est robuste, l’immobilier est solide sans qu’on observe de bulle… Toutefois, bien sûr, si la bourse continuait à baisser, les « spreads » à augmenter, la volatilité à s’accroître, le phénomène pourrait finir par être auto-réalisateur.

Les marchés jouent-ils à se faire peur pour inciter une nouvelle intervention des banques centrales ?

On a un peu de mal à l’imaginer… Que pourraient faire les banques centrales ? Même si la Banque Centrale Européenne (BCE) s’apprête à intensifier encore le caractère accommodant de sa politique, cela ne peut avoir qu’un effet marginal dans le tumulte actuel. On ne peut pas penser que la Réserve Fédérale Américaine (Fed) revienne volontiers en arrière en abaissant son taux directeur, ou reprenne les achats de titres : il faudrait que la déroute financière soit encore bien pire. Les politiques monétaires, classiques ou non, ont été très utiles et ont sans doute contribué à empêcher un effondrement du système financier au plus fort de la dernière crise. Néanmoins, elles ont certainement épuisé l’essentiel de leurs effets. Pour un impact significatif, il faudrait un accroissement massif des achats de titre à l’échelle de la planète (pas forcément dans tous les pays), et cela ne serait que reculer pour mieux sauter : il n’est pas sain qu’un seul agent économique, en l’occurrence les banques centrales, ait une part prédominante sur un marché, ni que les taux d’intérêt soient trop longtemps trop négatifs (encore que sur ce dernier point, faute d’expérience, on n’en sache rien…).

Le problème est-il global ou seulement limité aux marchés émergents ?

Vraisemblablement, le ralentissement chinois demeure une des principales sources du problème. Les marchés sont très volatils depuis l’été dernier et mettent en exergue les craintes des observateurs d’un ralentissement brutal de son économie et d’une dépréciation de sa devise. Naturellement, les pays émergents du sud-est asiatique et le Japon, principaux partenaires commerciaux de la Chine, ont été les premières victimes de ce léger coup de frein. Toutefois, il s’agit désormais d’une super puissance qui représente près de 17 % du PIB mondial ; ses problématiques ont donc des répercussions internationales. Le problème devient donc global par ricochet dans le sens où l’ensemble des pays subissent la moindre demande chinoise, qu’il s’agisse des pays émergents, de la zone euro ou des États-Unis. C’est au regard du ralentissement chinois et de sa demande de matières premières moindre qu’anticipé que le pétrole recule depuis plusieurs mois. À cela s’ajoute un niveau de production élevé et conservé par l’OPEP, particulièrement l’Arabie saoudite, pour affaiblir les concurrents américain, russe ou iranien. La somme de ces deux facteurs permet de maintenir le baril de pétrole à un niveau très bas, si bas qu’il met en péril certains pays producteurs, et certaines entreprises de pays développés dont la pérennité est remise en question dès lors que le baril passe sous la barre des 30 $. Désormais, tout le monde est touché, bien que la source de volatilité soit connue.

Quelles sont les issues possibles dans les prochaines semaines ?

Les marchés s’agitent et reculent par crainte, et non par constat de résultats catastrophiques. Qu’il s’agisse de macroéconomie ou de microéconomie, les indicateurs et résultats sont somme toute honorables et ne justifient aucunement de telles baisses sur les marchés d’actions. Il est donc délicat, dans ces conditions, de prévoir la suite, et surtout d’anticiper les éventuels facteurs de rebond. Toutefois, la BCE semble prête à agir en renforçant son « Quantitative Easing » et ce, dès le 10 mars 2016, un acte qui pourrait rasséréner un peu les marchés d’actions, au moins à court terme. La Fed sera également attentivement suivie dans les prochaines semaines. Son avis, son analyse et le rythme de hausse des taux directeurs américains permettront d’en savoir plus sur le niveau de confiance de l’institution, et donc de se rassurer, ou pas. En juin 2016, l’OPEP tiendra une réunion importante également puisque sa décision pourrait faire rebondir le prix du baril de pétrole si le niveau de production était abaissé. Il va sans dire que les marchés apprécieraient un rebond de l’or noir, mais rien ne nous permet pour le moment d’anticiper une telle décision. Il est finalement aussi difficile de prédire un éventuel rebond que d’expliquer une telle baisse…

La baisse observée est-elle exagérée ? Est-ce aujourd’hui un bon point d'entrée sur les marchés d’actions ?

Notre scénario pour 2016 reste le suivant, à savoir moins de Fed, plus de BCE et de BoJ (Banque centrale japonaise) ... Cette année devrait donc être bien orientée dans son ensemble pour les marchés d’actions mais elle sera encore plus volatile que 2015 ! Aux États-Unis, l’année sera tout sauf un long fleuve tranquille, entre bonnes nouvelles macroéconomiques, hausses probables des taux de la Fed, crise pétrolière susceptible de gagner le monde financier, marges qui s’érodent sous la pression des salaires et élections présidentielles. Il faudra espérer que les nouvelles microéconomiques restent bonnes hors pétrole et matières premières... Au Japon, l’économie peine à s’améliorer. Les entreprises vont bien, voire très bien, ce qui est moins le cas des ménages. Toutefois, le gouvernement a trois ans de plus pour mettre en place des réformes. L’exercice 2016 devrait s’avérer plus difficile que 2015 compte tenu du spectre de l'appréciation du yen, devise « refuge », face aux autres devises asiatiques. En zone euro/Europe, nous devrions observer un retour de la croissance économique et des bénéfices (pour la deuxième année consécutive). La BCE reste aux commandes mais les indépendantistes catalans risquent de fortement perturber la carte politique en Espagne. Au sein des pays émergents, nous avons observé une hémorragie de flux en 2015 ; le premier semestre 2016, dans la foulée des hausses de taux de la Fed et de la baisse du pétrole, s’avère lui aussi délicat. Les émergents devraient néanmoins être les gagnants de la seconde partie de l’année si les prix du pétrole et des matières premières se stabilisent. Nous partons sur une progression des marchés d’actions autour de 5 % en 2016. Après révision à la baisse de la croissance des bénéfices, nous pensons que l’année sera toujours positive, avec une progression potentielle d’au moins 13 % à ce jour et un point d’entrée pour un horizon moyen terme. Revenir aujourd’hui sur les marchés d’actions européens (nous préférons la zone euro), c’est être prêt à reprendre du risque : pétrole, cycliques, banques… soit adopter un côté « value » assez marqué !! Toutefois, il est encore trop tôt pour se concentrer sur ces trois secteurs, il faut d’abord revenir avec un portefeuille équilibré et ensuite prendre davantage de risque quand les marchés seront un peu plus stabilisés. Pour un investissement très long terme, il conviendra de s’intéresser au pétrole et aux valeurs cycliques.

Quelques définitions pour bien comprendre

- Spread : Le spread est égal à l’écart entre le taux de rendement d’une obligation et celui d’un emprunt « sans risque » de même durée. Il représente le supplément de rémunération (la "prime de risque") que l’émetteur doit offrir à l’investisseur pour rémunérer le risque qu’il prend en investissant dans son titre. Plus l’investissement est risqué, plus la prime de risque offerte doit être élevée. (source : AMF)
- Volatilité : Elle correspond à l’amplitude de variation d’un titre, d’un fonds, d’un marché ou d’un indice sur une période donnée (source : AMF). Il s'agit d'une mesure de risque d'un support. Plus la volatilité est élevée plus le risque est élevé.
- Quantitative Easing (QE) : Cela désigne les mesures de politique monétaire non conventionnelles prises par une banque centrale qui consistent à injecter de l’argent dans l’économie via l’achat massif d’actifs. L’objectif étant de soutenir l’économie.
- Approche « value » : En gestion d’actifs, cette approche repose sur la sélection de titres décotés, c’est-à-dire dont le cours de bourse ne reflète pas la valeur réelle de l’entreprise.

Document achevé de rédiger le 15 février 2016.

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Mis à jour le 01/03/2022

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