À quoi sert la Banque Centrale Européenne (BCE) ?

À quoi sert la Banque Centrale Européenne (BCE) ?

« La BCE n’a pas baissé ses taux », « la BCE va injecter 120 milliards d’euros supplémentaires », « les investisseurs sont déçus des annonces de la BCE ». Depuis sa création en 1998, cette institution européenne fait régulièrement les gros titres de la presse financière. Mais connaissez-vous vraiment son rôle et ses pouvoirs ? Avec Assurancevie.com, la BCE n’aura plus aucun secret pour vous !

Créée il y a 22 ans pour maintenir la stabilité des prix, la Banque Centrale Européenne a, depuis 2012, déployé tout un arsenal de mesures destiné à sortir les pays européens de la crise de la zone euro. Aujourd’hui, la propagation du Coronavirus et son coup de froid sur l’économie mondiale braquent à nouveau les regards des investisseurs vers cette institution. Mais le jeudi 12 mars 2020, c’est un message de fermeté qu’a envoyé sa présidente, Christine Lagarde, aux gouvernements européens : « La réponse (à la crise du Coronavirus) doit d’abord être budgétaire. Il ne faut pas s’attendre à ce que les banques centrales soient la première ligne de défense ».

La réaction des investisseurs fût immédiate : ce même-jour, l’indice CAC 40 a connu la pire séance boursière de son histoire chutant de 13%. Pour comprendre cette attitude des marchés, nous vous proposons une série de questions-réponses autour du rôle et des pouvoirs de la BCE.

Fiche d’identité de la BCE :

  1. Date de création : 1er juin 1998
  2. Siège : Francfort, Allemagne
  3. Présidente : Christine Lagarde
  4. Composition :
  5. - Un organe de direction : le Conseil des Gouverneurs des Banques Centrales Nationales (BCN)
  6. - Autre organe de décision : le Conseil général, composé des 28 gouverneurs des BCN + un président et un vice-président.
  7. - Un organe d’exécution et de gestion courante : le Directoire, composé de 6 membres nommés par les gouvernements des pays de la zone euro.
  8. - Un Conseil de surveillance prudentielle (30 membres).

 

1 Tout d’abord, qu’est-ce qu’une Banque Centrale ?

Une Banque Centrale est une institution qui est en charge d’orchestrer la politique monétaire d’un espace économique. Cette mission est endossée par la Fed aux États-Unis et par la BCE au sein de la zone euro. On parle aussi de « banque des banques ». En effet, les banques « commerciales » européennes (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole…) ont un compte bancaire auprès de la BCE. Via ces comptes, les banques soldent entre elles toutes les opérations de leurs clients (les ménages et les entreprises). D’où l’importance pour la BCE de veiller à ce que les banques commerciales ne soient pas à court de liquidités. Elle garde ainsi un œil sur les prêts que les banques se font entre elles.

Ce rôle était autrefois dévolu à la Banque de France. Aujourd’hui, l’établissement gouverné par Villeroy de Galhau est responsable de la fabrication et de l’émission de la monnaie fiduciaire (les billets !). Autre rôle : gérer les réserves d’or et de changes (devises) du pays. Enfin, la Banque de France conseille et applique la politique de la BCE.

2 La BCE gère la politique monétaire…ok ! Mais de quoi s’agit-il exactement ?

 

La politique monétaire est, avec la politique budgétaire, l’un des deux volets d’une politique économique. Son but : fournir les liquidités nécessaires à la croissance de l’économie tout en garantissant la stabilité de la monnaie.

Au sein de la zone euro, la BCE a pour objectif d’atteindre à moyen terme, un taux d’inflation proche mais inférieur à 2% par an. En effet, une inflation trop élevée réduit le pouvoir d’achat des ménages, freinant ainsi consommation et croissance. À l’inverse, une inflation trop faible peut déboucher sur une déflation, à savoir une baisse généralisée et auto-entretenue des prix. Un désastre à long terme puisque les ménages vont alors reporter leurs achats. Ce phénomène réduit également les marges des entreprises, pouvant entraîner des licenciements.

 

3 Quels sont les outils de la BCE ?

 

Pour mener à bien leur mission, les Banques Centrales disposent de deux types de mesures : conventionnelles ou non conventionnelles.

Les mesures conventionnelles

La variation du taux d’intérêt directeur :

Historiquement, la Banque Centrale Européenne a mené une politique monétaire conventionnelle, basée sur la fixation du « taux d’intérêt directeur », c’est-à-dire le taux d’intérêt des prêts, que la Banque Centrale accorde aux banques commerciales. Ces dernières le répercutent ensuite sur les emprunts qu’elles proposent à leurs clients. Moins les banques empruntent cher, plus elles peuvent prêter facilement. Et inversement. On parle ainsi de « prix de l’argent ». La BCE l’augmente pour modérer une économie qui s’emballe et éviter l’inflation. Elle le diminue pour réveiller une économie au ralenti. L’objectif est toujours le même : obtenir une stabilité des prix.

La variation du taux de réserve obligatoire :

Souvenez-vous, chaque banque commerciale dispose d’un compte bancaire auprès de la BCE. Ainsi, l’institution basée à Francfort impose à ces dernières d’y déposer une part des dépôts qu’elles collectent. On parle ainsi de « taux de réserve obligatoire ». Plus celui-ci est élevé, plus l’accès au crédit est restreint. Et vice versa. Et pour cause, si votre banquier vous prête 100 000 euros et que le taux de réserve obligatoire est de 10%, son établissement devra déposer 10 000 euros supplémentaires dans les coffres de la BCE. Si ce taux est de 1%, il peut prêter 1 million d’euros avec ces mêmes 10 000 euros déposés.

La variation du taux de rémunération des dépôts 

La Banque dirigée par Christine Lagarde peut aussi faire varier le taux de rémunération de ces comptes. La baisse de cette rémunération favorise en principe le crédit. Et inversement. Pour inciter les banques à prêter aux entreprises et aux ménages, la BCE a fortement abaissé ce taux ces dernières années. Celui-ci est même devenu négatif (-0,5% depuis le 12 septembre 2019). En d’autres termes, les dépôts réalisés par les banques commerciales auprès de la BCE ne leur rapportent plus rien, au contraire… celles-ci doivent même payer pour y placer leurs liquidités !

Retour sur …

En 2008, l’éclatement de la crise des « subprimes » américains (prêts immobiliers accordés à des ménages en difficulté) et la faillite d’une grande banque américaine (Lehman Brothers) provoquent une crise de confiance entre les banques, qui ne se prêtent plus d’argent entre elles. Sur les marchés financiers, les investisseurs s’inquiètent et demandent des rendements de plus en plus élevés en contrepartie de leurs investissements (et compte tenu d’un risque plus important).

Le sauvetage des banques et le soutien à l’économie coûtent ainsi très cher à certains États : les dettes publiques explosent. Dans le même temps, la zone euro plonge dans un risque de déflation.

Dès 2010, les pays les plus fragiles sont attaqués par les marchés : les taux d’intérêts de la dette Grecque atteignent des records, à plus de 7% par an.

Le FMI réagit par la mise en place d’aides à certains pays (les PIIGS : Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne). Mais en contrepartie de grandes mesures d’austérité sont mises en place pour réduire leurs déficits et leurs dettes.

Dès lors, ces pays entrent en récession : il y a désormais deux zones euro. D’un côté, celle des pays du Sud, endettés et de l’autre celle des pays en excédent budgétaire comme l’Allemagne. La solidarité entre les États membres est grippée. La zone euro est au bord de l’implosion. Alors que faire ? Augmenter les taux pour favoriser ces derniers ? Ou les baisser pour soutenir les pays en difficultés ? C’est ce second choix que fera Mario Draghi à son arrivée à la tête de la BCE : dès novembre 2011, la BCE abaisse son taux d’intérêt directeur à 1,25% contre 1,50% auparavant.

Et c’est finalement avec des mots que l’Italien mettra un terme à la crise de la zone euro, en juillet 2012 : « Dans le cadre de notre mandat, la BCE est prête à faire tout ce qu’il faudra pour préserver l'euro… Et, croyez-moi, ce sera suffisant ». Le message est clair pour les investisseurs : les taux d’emprunts des pays du Sud retombent immédiatement. Les mots sont donc également une arme pour la BCE !

 

Les actions non conventionnelles

Le « Quantitative easing »

Quand ces actions conventionnelles ne suffisent pas, notamment lorsque les taux s’approchent déjà de zéro, la BCE a d’autres outils en poche (non conventionnels) pour tenter de relancer l’inflation et la croissance. L’un d’eux est le « Quantitative easing », « QE ». Le principe consiste à créer de la monnaie pour racheter auprès des banques des titres de dettes d’États. L’objectif ? Que les banques utilisent cet apport de liquidités pour financer les entreprises et les ménages, favorisant ainsi la consommation et l’investissement. Entre 2015 et 2019, la BCE a donc racheté pour 2 600 milliards d’euros d’obligations d’États.



 

Les outils jamais utilisés… à ce jour !

En septembre 2012, la BCE a créé l’OMT (l’Outright Monetary Transactions), un mécanisme destiné à racheter de façon illimitée des titres de dette de pays en difficulté. Il n’a finalement jamais été utilisé mais son existence même est protectrice.

En outre, la faiblesse des taux débride la créativité en matière de politique monétaire. La technique de « l’helicopter money » décrite en 1969 par l’économiste Milton Friedman refait ainsi régulièrement surface. Jamais utilisée à ce jour, elle consisterait à injecter directement des liquidités auprès des ménages ou des entreprises pour favoriser la consommation et l’investissement.

 

4 Quelles sont les limites de la BCE ?


L’une des contraintes de la BCE réside dans l’hétérogénéité des pays qui composent la zone euro. Une faiblesse qui s’est révélée en 2012 lors de la crise de la dette. En fin de mandat, l’ex président de la BCE Jean-Claude Trichet a relevé par deux fois le taux d’intérêt directeur de la BCE (de 1% à 1,25% en avril 2011 puis à 1,50% en juillet de la même année).

Un relèvement de taux dont ont profité les pays en situation d’excédent budgétaire comme l’Allemagne, mais qui a accru les difficultés des pays du Sud.

Il existe ainsi, encore aujourd’hui, une certaine division politique entre les gouverneurs de la BCE. D’un côté les « Govishs » (accommodants) prônent une forte injection de liquidités dans l’économie pour relancer l’activité. De l’autre, les « Hawkish » (bellicistes) ont une vision plus traditionnelle du rôle de la BCE, faisant de la lutte contre l’inflation une priorité absolue : la croissance économique n’est donc pas au cœur des préoccupations de ces derniers.

Enfin, avec un taux d’intérêt directeur déjà à 0%, les marges de manœuvre de la BCE sont plus que jamais étroites.

Habitués aux discours accommodants de Mario Draghi, les investisseurs avaient anticipé de nouveaux efforts de la part de Christine Lagarde, le 12 mars 2020. Mais l’ex directrice du FMI a semble-t-il fait preuve de maladresse, appelant les États européens à intervenir, via leur politique budgétaire.

Mais le 18 mars 2020, la présidente de la BCE a fait machine arrière. Via le réseau social Twitter, elle a finalement indiqué vouloir sortir l’artillerie lourde : « À situation extraordinaire, action extraordinaire ». La BCE va donc racheter pour 750 milliards d’euros de dettes d’États mais aussi d’entreprises. Cela ne vous rappelle rien ? Le Quantitative easing !

Une belle surprise pour les investisseurs. Suffisant pour guérir les marchés du Coronavirus ? L’avenir nous le dira…

Mis à jour le 03/02/2025

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